Le LHC, à faisceaux desserrés

Pour que des processus rares comme la production de bosons de Higgs aient lieu, il est nécessaire de porter le nombre de collisions de protons à son maximum. Pour cela, on serre les faisceaux jusqu'à de très faibles dimensions. Toutefois, des processus de physique intéressants se produisent également lorsque les faisceaux ne sont pas serrés aux points d'interaction. La semaine dernière, un cycle d’exploitation spécial a montré que le LHC pulvérise également des records avec des faisceaux desserrés.

 

Cette image représente une carte des collisions pour l'un des détecteurs ATLAS/ALFA. La forme en ellipse étroite représente le signal-type produit par la diffusion élastique des protons. La suppression du signal de fond (visible au centre) est un véritable défi pour les deux expériences.

La valeur ß* (bêta*) est utilisée par les experts pour désigner le paramètre de compression des faisceaux : plus ß* est petit, plus la compression est grande. Pour obtenir le plus de collisions possibles au cœur des expériences, les faisceaux sont serrés jusqu’à de très faibles dimensions (la valeur ß* à pleine énergie est de 0,60 m). Cela permet de porter à son maximum le taux de collisions de protons nécessaires pour que des processus rares comme la production de bosons de Higgs aient lieu. Toutefois, en serrant un faisceau, on augmente sa divergence angulaire, ce qui ne permet pas de mesurer la diffusion élastique proton-proton aux petits angles.

La section efficace de diffusion élastique proton-proton a été mesurée lors de cycles d’exploitation particuliers qui ont eu lieu précédemment au LHC. On a pu ainsi calculer la section efficace totale des interactions proton-proton en appliquant ce qu'on appelle le théorème optique. Pour observer la contribution de l’interaction électromagnétique (également appelée « diffusion de Coulomb ») et son interférence avec la composante nucléaire de la section efficace proton-proton élastique, il faut atteindre des angles de diffusion de l'ordre de 5 microradians. La section efficace de la diffusion de Coulomb étant en théorie connue, sa mesure permet de déterminer indépendamment la luminosité absolue du LHC.

Sur ce graphique de l'expérience TOTEM, la corrélation entre les traces reconstituées des angles de diffusion des deux protons sortants montre une prépondérance d’événements élastiques.

Lors du cycle spécial de la semaine dernière, une valeur ß* record de 1000 m a été atteinte, ce qui signifie que les faisceaux aux points d’interaction 1 et 5 sont pratiquement parallèles. La divergence angulaire des faisceaux aux points d’interaction a été réduite d’un facteur 40 par rapport à un mode à faible bêta (haute luminosité). Ces paramètres ont permis aux expériences ATLAS/ALFA et TOTEM de mesurer les angles de diffusion proton-proton avec une précision de l’ordre du microradian. On a rapproché les pots romains des expériences jusqu'à 0,87 mm du centre du faisceau, qui contenait 3 paquets de 1011 protons chacun. À cette distance, le halo du faisceau, intense, a dû être réduit au moyen d’une procédure de collimation optimisée. On a pu ainsi réduire le signal de fond venant du halo d’un facteur 1000, et acquérir des données dans de bonnes conditions pendant environ une heure, ce qui a permis à ATLAS/ALFA et TOTEM, pour la première fois, de mesurer la diffusion élastique dans la région d’interférence Coulomb-nucléaire.

En vue des futures exploitations à 13 TeV, il faudra concevoir une optique permettant d’atteindre des valeurs bêta de 2 km. Pour cela, des câbles d’alimentation de quadripôles supplémentaires devront être installés dans le tunnel du LHC.

par CERN Bulletin