HiRadMat : les matériaux passent aux aveux

La nouvelle installation du CERN – HiRadMat pour High Radiation to Materials – est sur le point d'accueillir ses premières expériences. Destinée à tester les futurs équipements des accélérateurs de particules du monde entier, elle devrait être opérationnelle d'ici à la fin de l'année.

 

L'installation HiRadMat, dans le tunnel TNC.

Les matériaux utilisés dans le LHC et ses expériences sont exposés à des particules de très haute énergie. Évidemment, les experts n'ont pas attendu la première collision de l'accélérateur le plus puissant du monde pour mettre leur robustesse à l'épreuve ; ces matériaux ont été validés par une lourde batterie de tests. Et grâce à HiRadMat, ils le seront encore davantage.

HiRadMat est une nouvelle installation du CERN. Construite dans le tunnel abritant l'ancienne WANF (West Area Neutrino Facility), elle a nécessité de lourds aménagements. D’octobre 2009 à décembre 2010, l’équipe du département EN (Engineering department) soutenue par le service de Radioprotection a procédé à plusieurs opérations de démantèlement. « Au rythme moyen d’une semaine sur six (en accord avec le calendrier du LHC), nous avons démonté les anciens équipements de WANF, indique Sébastien Evrard, chef adjoint du projet HiRadMat. Les matériaux radioactifs ont été traités, stockés ou, dans la mesure du possible, réutilisés pour HiRadMat, le tout strictement en accord avec les règles de radioprotection. » Premier démantèlement d’une telle envergure depuis celui du LEP, l’extraction de certains équipements de WANF a exigé un important effort d’organisation et a été accomplie à l'aide de crochets automatiques et de caméras, permettant ainsi aux opérateurs de se maintenir à distance des éléments radioactifs. Menée avec succès, cette opération a permis aux ingénieurs du département EN d'acquérir une solide expérience des techniques de manipulation à distance ce qui, comme le souligne Sébastien, « profitera grandement aux futures opérations de démantèlement. »

Si tout se passe bien, et grâce aux efforts soutenus de plusieurs groupes du CERN, HiRadMat devrait entrer en service d'ici à la fin de l'année : « Je serais heureux que nous puissions réaliser la première expérience HiRadMat en octobre. A priori, il s'agira de tester un collimateur pour le LHC », indique Ilias Efthymiopoulos, du département EN et chef du projet HiRadMat. Dans le hall de HiRadMat, les faisceaux produits par le SPS sont détournés vers les éléments à tester. Les chercheurs peuvent ainsi éprouver des collimateurs, des fenêtres d'isolation séparant les chambres à vide de l'air, et divers matériaux, avant que ceux-ci ne soient montés dans les accélérateurs car, comme le souligne Ilias, « un accélérateur n'est pas un endroit idéal pour tester de nouveaux équipements... »

Hors de question, en effet, d'attendre la première collision du LHC pour constater que telle nouvelle pièce ne résiste pas à l'impact d'un faisceau et qu'elle en ressort fortement endommagée ! D’où la nécessité de connaître toutes les conséquences d’un « bombardement » de haute énergie sur un échantillon. Le matériel testé est-il détruit ? Déformé ? De quelle façon ? Ses propriétés mécaniques sont-elles modifiées ? Ces données, en plus de renseigner les ingénieurs sur la résistance des matériaux, permettent également d'enrichir les simulations : « Jusqu’à présent, les gens faisaient des calculs pour évaluer la qualité des matériaux, mais n’avaient pas de données réelles pour contraindre leurs modèles. Grâce à HiRadMat, des progrès pourront aussi être réalisés dans le domaine théorique », ajoute Ilias.

Par ailleurs, outre son caractère innovant, HiRadMat est également très flexible : en jouant sur le diamètre du faisceau « tiré » sur les échantillons, les chercheurs peuvent en modifier la densité énergétique (plus le faisceau est fin, plus l'énergie délivrée par cm3 est élevée), et ainsi se rapprocher des conditions « in vivo ». Il est ainsi possible de tester des pièces destinées au LHC ailleurs que dans le LHC.

Soutenu par la Commission européenne dans le cadre du programme EuCARD (European Coordination for Accelerator Research and Development) du 7e Programme-cadre, le projet HiRadMat intègre également divers partenaires européens. « Comme toutes les installations du CERN, HiRadMat sera accessible aux chercheurs des pays membres du CERN et du monde entier. Pour soumettre leurs échantillons aux faisceaux extraits du SPS, ils devront préalablement en faire la demande auprès des membres de la commission HiRadMat. Ces derniers jugeront ensuite de la pertinence des propositions et établiront le programme annuel. » A l'heure où les physiciens planchent sur la future génération d’accélérateurs de particules, une installation telle que HiRadMat semble plus que jamais indispensable.

par Anaïs Schaeffer