Et maintenant, place à la physique !

Après seulement quelques semaines d’exploitation, le LHC a déjà offert aux expériences des millions de collisions de haute énergie. Les physiciens du monde entier sont en train d'analyser les nouvelles données et de reproduire les particules découvertes au cours des expériences passées. La particule W, découverte en 1983 par les expériences UA1 et UA2 au CERN, et le méson B, découvert en 1977 par l’expérience E288 au Laboratoire Fermi, sont réapparues dernièrement parmi l’abondante moisson d'informations récoltées.

 

Une des premières tentatives de compression du faisceau au point d'interaction de CMS. Après la compression, qui a commencé aux alentours de 17 heures, la luminosité a été mesurée en vue de réoptimiser le croisement des faisceaux : elle avait augmenté d’un facteur 5, en tenant compte des légères pertes de faisceau intervenues au cours de la compression. 

Reproduire et redécouvrir des particules connues fait partie du processus d’entraînement que suivent avec zèle les expériences LHC au cours de ces premières semaines d’exploitation. « Comme pour la machine LHC, il faut tester avec soin et comprendre parfaitement la performance des différentes parties des expériences afin de s'assurer que les données sont correctement interprétées », explique Sergio Bertolucci, directeur de la recherche et de l’informatique.

Un grand nombre de particules différentes sont créées lors des collisions de protons produites par le LHC aux quatre points de la machine, et les détecteurs ont pour tâche de les reconnaître en mesurant leur masse, leur charge et d’autres propriétés. C’est pourquoi les physiciens utilisent actuellement les signaux provenant de particules connues pour vérifier que leurs détecteurs fonctionnent comme prévu.

Et c’est bien le cas ! Alors que par le passé, il fallait de longues années pour collecter et analyser des données, aujourd’hui, quelques jours suffisent. « Cet excellent résultat est dû à la bonne performance tant de l’accélérateur que des détecteurs », explique Sergio Bertolucci. En effet, bien que les opérateurs du LHC effectuent toujours des études sur la « qualité » du faisceau, empêchant souvent les expériences de recueillir des données utilisables, on dispose de suffisamment de « données valables » pour faire les premières redécouvertes : le 6 avril, moins d’une semaine après les premières collisions de haute énergie, ATLAS identifiait deux candidats du boson W. Quelques jours plus tard, le 21 avril, LHCb reconstituait la trace de la première particule beauté.

Section efficace et temps nécessaire pour une découverte
Comment les physiciens évaluent-ils les chances de faire une découverte ? Les expériences LHC recherchent des particules qui, en raison de leur masse élevée ou d’autres propriétés, ne sont que rarement générées par l'énergie disponible lors des collisions.

La probabilité qu’un événement, tel que la création d’une particule donnée, ait lieu lors des collisions est appelée par les physiciens « section efficace ». Toutefois, comme Sergio Bertolucci l’explique : « un seul événement n’est habituellement pas significatif, et les scientifiques ont besoin de collecter un certain nombre de données avant de revendiquer vraiment une découverte ». En règle générale, plus la section efficace est grande, moins il faudra de temps pour faire la découverte.

Par exemple, si des particules supersymétriques existent aux énergies produites par le LHC, leur section efficace (c'est-à-dire la probabilité qu’elles se forment) est censée être relativement élevée et le délai pour faire leur découverte sera donc relativement bref. En revanche, le boson de Higgs est censé avoir une section efficace beaucoup plus petite ; la période d'acquisition des données nécessaire pour confirmer son apparition (s’il existe !) sera donc plus longue.

par CERN Bulletin