Nous avons réussi !

Presque 20 années de travail acharné accompli par des centaines de personnes ont permis au Grand collisionneur de hadrons (LHC) de passer du rêve à la réalité. Le LHC a livré aujourd’hui aux expériences ses premières collisions de haute énergie. Grâce aux nouvelles données qui seront recueillies, nous disposerons d’un outil inédit pour comprendre l’Univers dans lequel nous vivons.

 

Il y a quelques instants à la CCC

Nous avons réussi ! Les premières collisions de haute énergie ont eu lieu aujourd’hui à 13h06 dans les quatre points de collision de l'anneau du LHC. Après plusieurs tentatives pour injecter et faire monter en énergie les faisceaux, des collisions se sont produites.

Ce matin à la CCC

Avant les collisions, une atmosphère mêlée d’excitation, d’attente, de crainte et d’appréhension régnait dans le Centre de contrôle du CERN. Jamais auparavant on n’avait essayé de faire entrer en collision deux faisceaux de protons à une énergie de 3,5 TeV chacun. Des collisions de ce type se produisent tous les jours, mais dans la nature uniquement, au cours de processus à l’origine du rayonnement cosmique. Mais il est extrêmement difficile d’en extraire des données pertinentes.

Tôt ce matin, les opérateurs ont commencé à préparer la machine pour les collisions : des milliers d’éléments fonctionnant sans la moindre défaillance, des centaines de contrôles garantissant un fonctionnement sans heurt, des dizaines de personnes devant des écrans d’ordinateurs pour détecter le plus vite possible la moindre anomalie. Le LHC est une machine extrêmement complexe, aussi les opérateurs ont-ils poussé un ouf de soulagement lorsque toutes les expériences ont confirmé les premières collisions.

A 13h06 à la CCC

Vous trouverez ci-après quelques citations de Cernois bien connus qui ont suivi ou mené cette gigantesque entreprise scientifique au fil des ans. Nous vous invitons également à voir les films réalisés et les photos prises aujourd’hui par les services audiovisuel et photos du CERN. Mieux que des mots, ils illustrent à merveille la journée historique que nous avons tous vécue.

 


« Aujourd’hui, je suis très fier de mes collègues qui ont travaillé sans relâche pendant 15 années à la construction du LHC. Cela a été un privilège de travailler avec eux. Le chemin a été semé d’embûches, mais chacune d’elles a été surmontée avec engagement et détermination. Nous savons à présent que le LHC est une machine merveilleuse. Elle se comporte exactement comme prévu. Des travaux de consolidation seront peut-être nécessaires dans l’avenir pour une montée à pleine énergie, mais ils seront tout à fait normaux compte tenu de la complexité de la machine. L’équipe chargée de la mise en service et de l’exploitation du LHC a elle aussi fait preuve d’un dévouement et d’un professionnalisme exemplaires. Lançons à présent le programme d’expérimentation et voyons ce que la nature s’apprête à nous révéler à la nouvelle frontière des hautes énergies. »

Lyn Evans, chef du projet LHC



« Le fait d’avoir pu faire entrer en collision des faisceaux à une énergie de 3,5 TeV, soit 7 TeV au total, est une très bonne nouvelle pour la communauté des physiciens des particules. J’espère que le LHC pourra être exploité de façon stable et à un bon niveau de luminosité, et que nous parviendrons à déchiffrer la matière noire cosmologique. »

Jack Steinberger, prix Nobel de physique 1988



« L’Homme est sur le point de sonder la matière comme il ne l’a jamais fait auparavant. On établira probablement de nombreuses théories, mais seules des expériences permettront le cas échéant de les valider. Pourquoi les particules ont-elles une masse ? Quelle est la nature de la matière noire qui remplit l’Univers ? Quelle est l’origine de la matière présente dans l’Univers ? Les réponses qu’apporteront les découvertes du LHC révolutionneront notre compréhension des lois de l’Univers et de son évolution. »

John Ellis, groupe Théorie du CERN



« De voir les premières collisions à 3,5 TeV est une des étapes déterminantes dans la longue vie du LHC. C’est le résultat de plus de 15 ans de travail acharné de nombreuses équipes sur cette machine et ses injecteurs avec la résolution de nombreux défis. Ceci démontre que tous les systèmes, testés séparément, fonctionnent ensemble. Je ne connais pas de projets scientifiques où autant de composants doivent marcher simultanément. Il ne faut jamais oublier, quand on est dans la salle de contrôle, que ce n’est qu'un grand jeu vidéo, mais qu’il y a dans le tunnel une quantité phénoménale de hardware qui a été conçu et qui est maintenu par de nombreuses personnes qui n’ont jamais ménagé leur peine. A chaque fois que je vois une rampe sur l’un des écrans de la CCC, je ne peux m’empêcher d’imaginer ce hardware et les énergies stockées.
Cette étape est de bon augure pour la longue période de physique qui est devant nous. C’est un honneur et une fierté de contribuer à un tel projet scientifique. »

Frederick Bordry, chef du département TE



« Aujourd’hui, nous avons observé pour la première fois au LHC des collisions à une énergie de 3,5 TeV par faisceau. Cet événement marque l’aboutissement de nombreuses années de travail pour construire et installer la machine et les détecteurs, et vient extrêmement vite après le début de la mise en service de la machine avec faisceaux. La vitesse avec laquelle on a pu faire entrer en collision des faisceaux stables à haute énergie au LHC fait honneur à toutes les personnes qui ont travaillé si dur sur la conception, l’élaboration, la construction, l’installation et la mise en service de la machine.
Nous progressons dans la phase de mise en service de façon très systématique, en préparant avec soin chaque phase pour comprendre la machine et les paramètres du faisceau étape par étape. Tout cela prend du temps, mais la qualité de la machine et de son instrumentation nous a permis de faire des progrès très rapides. La mise en service se poursuivra à présent avec une augmentation progressive de la performance de la machine à mesure qu’on augmentera l’intensité des faisceaux et qu’on améliorera leur focalisation pour toutes les expériences. Mais cette journée marque également un tournant décisif : aujourd’hui, le LHC a lancé le programme de physique pour lequel il a été conçu. »

Paul Collier, chef du département BE



« C’est Giorgio Brianti qui m’a impliqué dans le LHC en juin 1988 ; ce projet a pris 22 ans de ma carrière. Depuis 2001, depuis que je suis au CERN en tant que chef du groupe aimants et supraconducteurs, le LHC est ma vie. Techniquement, 7 TeV signifient qu’on aura stocké 2,5 GJoule d’énergie magnétique dans deux tubes de fine épaisseur, longs de 27 Km ; que tout près du superfroid à 1,9 K il y aura des collisions extrêmement chaudes ; que la supraconductivité est difficile mais elle permet de faire des choses jamais réalisées. Nous espérons, comme Galilée il y a 400 ans, “voir des choses jamais vues”.
Aujourd’hui, 30 mars, je suis au Japon, au Laboratoire KEK : je suis ici avec le Directeur général et d’autres physiciens pour discuter de la participation du Japon au perfectionnement futur du LHC. Les collisions à 7 TeV gagent que le LHC atteindra son maximum en énergie (14 TeV) dans deux ans et que nous pouvons déjà préparer la prochaine étape : le Super-LHC ! »

Lucio Rossi, chef du groupe aimants et supraconducteurs





par CERN Bulletin